28 mai 1922
Quatre à cinq milles personnes, tout au plus, assistèrent hier, au Stade Pershing, à la rencontre qui mettait aux prises le Red Star Club, Champion de France, et la sélection belge des Diables Rouges. Les deux équipes dirent match nul, par 1 but à 1, après avoir produit, pendant toute la partie, un jeu des plus plaisants. L’équipe belge ne fut pas exactement celle que nous avions annoncée et qui devait être ni plus ni moins l’équipe nationale. En effet, dans la journée de samedi, un télégramme nous annonçait que les joueurs de l’Union Saint Gilloise ne pourraient être là car ils disputaient, le même jour, un match de championnat. C’est ainsi que Verbecke, Van Hegge, Bessems et Thys ne figurèrent pas dans la formation des Diables Rouges. Mais leurs remplaçants, Pirlot, Kleimermann, Elst, Van der Straeten, joueurs de classe incontestable, tinrent brillamment leur place. Quant au Red Star, il était privé des services de Chayriguès, blessé qui fut remplacé par Thédié.
La partie disputée par un temps agréable, fut, avons-nous dit, des plus plaisantes. L’on pouvait, l’on devait s’en douter. Néanmoins, l’assistance fut très clairsemée. S’il en était encore besoin, la preuve serait ainsi faite que la saison de football se prolonge trop et que le public ne s’intéresse plus que faiblement aux manifestations de ce sport, si dignes soient elles d’intérêt.
En ce qui concerne, nous avons donc décidé de ne plus faire disputer notre match annuel au mois de mai. Mais la beauté du spectacle et la correction du jeu qu’il nous fut donné de contempler hier nous incitent à ne pas renoncer au match désormais classique des Champions de France et de Belgique. Aussi nous pouvons annoncer dès aujourd’hui que cette rencontre se disputera désormais au début de la saison. Et en octobre prochain nous convierons le public parisien au duel du Red Star et du Champion de Belgique.
Quoi qu’il en soit, nous tenons à remercier les joueurs belges et français de l’effort qu’ils ont produit hier et qui fut des plus méritoires.
Le début de la première mi-temps fut à l’avantage des Diables Rouges, qui, à plusieurs reprises, n’échouèrent que de peu sur la défense du Red Star. Puis les Champions de France se reprirent et parvinrent à faire jeu égal avec leurs adversaires. La mi-temps fut atteinte sans qu’aucun but fût marqué.
A la reprise, le Red Star domina nettement pendant 20 minutes. On eut même à ce moment l’impression que les Diables Rouges, fatigués, allaient se désunir. Nicolas étant passé inter droit et Joyaut avant-centre, l’aile droite redstarienne montra une remarquable cohésion et déborda fréquemment la défense belge. Ce fut d’ailleurs au bout de cinq minutes que, après une belle descente, Nicolas shoota au but une balle rapide que Debie para mais renvoya faiblement ; Joyaut surgit, reprit le ballon et le rentra en force dans les filets adverses.
Un instant désorientés, les Diables Rouges reprirent le dessus et, à la 17e minute, Michel descendit et shoota de biais. Thédié para et, lui aussi, renvoya faiblement. Larnoë reprit et, d’un shot imparable, égalisa.
A partir de cet instant le Red Star faiblit un peu et les Belges eurent le commandement de la partie. Mais le score ne fut plus modifié.
Au Red Star, Thédié, qui remplaçait au pied levé Chayriguès, fit ce qu’il put et doit être complimenté pour la façon heureuse dont il s’acquitta de sa tâche. Evidemment il commit bien des gaucheries et des fautes de jugement, se montra en particulier assez faible sur les balles hautes.
Gamblin et Meyer jouèrent dans leur forme habituelle. Si Gamblin fut meilleur tacticien, Meyer fut peut-être plus sûr que lui et, ayant à surveiller le redoutable Michel, il le fit fort convenablement.
Bonnardel fut dans l’ensemble le meilleur demi, encore que sa seconde mi-temps ait donné lieu à quelques critiques, car il laissa s’échapper plusieurs fois Elst. Hugues fut terne au début : mais ensuite il fut un élément de la supériorité montrée par le Red Star en attaque. Marion semble un peu en déclin ; mais il fit une partie honnête et courageuse.
La ligne d’avants du Red Star, qui manqua d’homogénéité en première mi-temps, fut extrêmement brillante dans la seconde et joua alors au mieux de sa forme. Nicolas éclipsa tous les avants sur le terrain : il eut des dribblings, des feintes, des déplacements de jeu remarquables et mit Cordon en lumière alors que ce joueur avait paru assez pâle au début. Joyaut, bon dans le milieu du terrain, fut faible devant les buts. Il manqua deux buts alors qu’ayant percé la défense il ne lui restait qu’à éviter Debie. Il est lent à shooter. Naudin lui fut supérieur. Et Quantier, à l’aile gauche, montra qu’il avait l’étoffe d’un joueur d’avenir.
Debue fut, dans les bois belges, un gardien de classe, qui sut sortir fort à propos devant des attaques menaçantes. Swartenbroeck fut l’arrière irréprochable que l’on connaît, puissant, rapide, souple et toujours jeune. Pirlot possède un dégagement puissant et se montra aussi bon sur l’homme que sur la balle. Il a la classe internationale.
La ligne de demis fut supérieure à celle du Red Star et joua d’une façon soutenue. Van Halme est un demi centre actif et puissant qui domina Hugues. Fierens fit preuve d’une entente parfaite avec Swarten : ces deux joueurs se doublèrent constamment. Kleinermann fit lui aussi une très bonne partie.
Dans la ligne d’avants, deux joueurs émergèrent : ce furent Michel et Larnoë. Michel fut certainement, après Nicolas, le meilleur avant sur le terrain. C’est un dribbleur et shooteur remarquable. Larnoë se montra perçant et bon distributeur. Mais ses shots puissants furent souvent imprécis. Gillis est un inter actif et rapide. Elst, l’ailier droit du Berschoot, eut des déboulés dangereux : Van der Straeten, de la Gantoise, fut le moins bon d’une ligne qui ne sut pas toujours coordonner de brillants efforts.
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M. Valla arbitra. - Maurice Pefferkorn
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L’amitié franco-belge
Un dîner intime réunit hier soir, au café Zimmer-Madrid, les équipes des Diables Rouges et du Red Star.
Une fois de plus, la sympathie qui unit les sportifs français aux sportifs belges se fit jour et, successivement, les représentants du Red Star et de l’Union Belge, puis notre président Victor Breyer, M. Henri Jooris, les capitaines des deux équipes, Swartenbroeckx et Gamblin, enfin MM. Jean de Castellane et Henry Paté, prirent la parole pour exprimer combien aussi les liens qui unissent les footballers français est les footballers belges sont indissolubles.
L’Écho des sports du 29 mai 1922, page 1